PeTiT à PeTiT, BaYrOu FaiT sOn TrOu
Le début de la campagne et le discours anti-système du patron de l'UDF semblent séduire une partie des déçus du PS et de l'UMP.
La rumeur sondagière a tourbillonné en début de semaine dans les
étages du siège parisien de l'UDF. Et fait briller les yeux du
maître des lieux. En cas de second tour opposant Bayrou à Sarkozy,
le patron de l'UMP l'emporterait sur celui de l'UDF, mais d'une
courte tête seulement. En vérité, l'Ifop n'a testé pour
Paris Match que la préférence des Français pour l'un ou
l'autre des deux. Mais le résultat publié jeudi est encourageant
pour l'ancien ministre de l'Education : il n'est devancé par le
ministre de l'Intérieur que de trois points (50 % contre 47 %
d'opinions favorables). Dans son bureau de la rue de l'Université,
dans le VIIe arrondissement de Paris, François Bayrou rêve tout
haut :
«En cas de second tour contre Sarko, je suis sûr de gagner. Il
faut passer le premier tour, mais on va y arriver. Il y a déjà des
millions de Français qui ne veulent pas voter Ségolène Royal ou
Nicolas Sarkozy, et il y en aura demain le double.»
Bloc contre bloc.
A l'en croire, les deux favoris des
sondages inquiètent désormais
«chacun à sa manière» les Français.
«Ils représentent la logique du bloc contre
bloc», insiste-t-il. Pour
«déverrouiller» un système inféodé tantôt au PS tantôt à
l'UMP qu'il dénonce à longueur de discours compilés dans un livre
qui vient de paraître (1), le leader de l'UDF travaille à
l'émergence d'un parti
«central», ouvert à toutes les sensibilités républicaines. En
votant la censure au gouvernement en mai, il a signé le premier
acte de la reconquête de l'indépendance de l'UDF. En invitant à
l'université d'été de son mouvement, le socialiste Michel Rocard,
l'écologiste Nicolas Hulot et le sarkozyste Michel Barnier, Bayrou
a achevé de repositionner symboliquement l'UDF.
Frémissement.
Mi-octobre, pour la première fois, une
enquête de l'Ifop enregistrait un décollage de Bayrou, avec 12 %
des suffrages au premier tour. Un signal alors isolé. Selon la
Sofres, le candidat UDF restait au même moment scotché à 7 %.
Aujourd'hui, pourtant, l'institut concède un frémissement : son
dernier baromètre pour
le
Figaro Magazine gratifie Bayrou d'un avenir de plus en plus
radieux.
«Le candidat UDF est un bon réceptacle du reflux de Sarkozy et
de Royal qui se produira vraisemblablement», avance Emmanuel
Rivière, directeur du pôle politique au département stratégies
d'opinion de la Sofres. Les centristes, eux, ne doutent plus.
Depuis août, les mails affluent au siège de l'UDF. Des inquiets du
sarkozysme, des désorientés du ségolénisme, beaucoup d'enseignants,
autant de professions libérales, promettent leur ralliement. Ils
écrivent :
«Je suis de gauche, mais le choix de FB de situer l'action de
l'UDF au-dessus des clivages habituels me plaît. Cette large
ouverture mettra fin à l'immobilisme imposé.» Ou encore :
«Votre discours tient la route, il touche même mon voisin de
palier, qui d'habitude vote à gauche, et mon patron de
droite.» Ces orphelins de la gauche et de la droite, Bayrou en
croise à chaque déplacement en province. C'est Julien, Breton de 45
ans, dessinateur et ancien
«tontonmaniaque», qui apprécie ce Bayrou
«calme, posé et qui se bonifie comme le vin» sans
«bouffer à tous les râteliers». C'est Pascal, 47 ans,
fournisseur dans l'industrie, qui aime la
«clairvoyance» du leader de l'UDF et sa
«morale républicaine». C'est Henri, 86 ans, chiraquien de
toujours, qui votera Bayrou par rejet de Sarkozy, un
«prétentieux» avec des
«déclarations tonitruantes qui donnent l'impression de vouloir
tout casser».
Le positionnement plaît, reste à choisir le rythme. Demain, en marge du conseil national qui doit examiner le projet de l'UDF pour les législatives, François Bayrou arrêtera son calendrier de campagne. Un timing qu'il a cette fois longuement réfléchi. Le leader centriste sait ce qu'il en coûte de se déclarer trop tôt. En 2002, les attentats du 11 Septembre l'avaient obligé à interrompre une campagne encore balbutiante et abandonner son bus au colza.
«A table».
Ensuite, il n'avait jamais pu surmonter ce
démarrage calamiteux. Mais, partir trop tard, c'est prendre le
risque d'être inaudible. L'ex-journaliste et actuel conseiller
politique du leader centriste, Philippe Lapousterle, a cadré
l'exercice en comité restreint :
«En janvier, il faut que Bayrou soit à table.» Sous-entendu,
à la table des grands, crédible aux yeux de l'opinion, en mesure de
tenir la dragée haute à ses grands rivaux socialiste et UMP. La
fenêtre de lancement est étroite.
«Ce sera entre fin novembre et mi-décembre», confie
l'entourage de Bayrou. Autrement dit, après la mise en orbite du
candidat PS (qui interviendra au plus tard le 23 novembre), et
avant la déclaration de candidature du concurrent UMP (début
décembre).
Mi-décembre, les militants UDF seront invités à se prononcer sur
cette candidature selon une modalité que le conseil national
devrait arrêter ce dimanche. Un vote par correspondance a la faveur
de l'entourage du patron, un congrès risquant de ponctionner par
trop des finances déjà serrées.
(1)
Au nom du tiers Etat, Hachette-Littératures.
Source: Libération