TriPLe aTtEnTaT à LyOn…
Le plus grand exercice de sécurité civile jamais organisé en France a
mobilisé 1.600 personnes :
pompiers, policiers, médecins ou figurants
jouant les victimes.
Dans la grande rue de la République, sur la presqu'île de
Lyon
un
homme sort de son immeuble et regarde, effaré, l'interminable file des
ambulances et camions de pompiers. Leurs gyrophares tournent, la nuit
lyonnaise est bleue. Trois attentats viennent d'avoir lieu, sur trois
sites éloignés. Cela compte pour du beurre, mais les tableaux sont
réalistes, et la mobilisation très impressionnante. Plus de 1.600
personnes engagées, 200 figurants, pour un exercice inédit en France :
simuler une série d'attentats multi sites comme en ont connu Londres ou
Madrid, avec des explosions étalées dans le temps, et un grand nombre
de victimes.
Cela commence à 20h45, dans le quartier
Gerland
au sud de la ville.
Une fête techno est supposée se dérouler dans le quartier lorsqu'une
bombe explose sous un siège dans le métro. La station est plongée dans
le noir, envahie de fumée. Les premiers camions de pompiers affluent et
demandent du renfort. Sur les quais, des mannequins représentent une
dizaine de morts, des figurants jouent les blessés. Ils prennent leur
rôle à cœur, gémissent sur les brancards, joues et bras maquillés comme
dans un film de guerre. Un poste médical avancé est rapidement installé
dans le Palais des sports, à quelques centaines de mètres, et le plan
rouge est déclenché. Mis en place après les attentats de 1986 à Paris,
il sert à trier les victimes selon le degré d'urgence.
«Urgence absolue ou relative», demande un médecin près d'une jeune
femme au visage à demi brûlé. «Relative», répond un urgentiste. Des
militaires déplient des lits de camp dans la vaste salle, pendant que
les journalistes, invités à suivre l'exercice, interviewent les faux
blessés. Dehors, les hommes du GIGN traquent un suspect qui s'est enfui
dans les couloirs du métro, et qu'ils rattraperont. Le quartier est
envahi d'ambulances, de gyrophares, de brancards, de pompiers et
médecins qui courent en tous sens.
Même scène de l'autre côté du Rhône, derrière le quartier
Perrache
Là,
un kamikaze a fait exploser sa ceinture d'explosif dans le tramway,
huit minute après la première explosion. Il y aurait une vingtaine de
morts. Près du tram, une voiture gît sur le flanc, éventrée. Des hommes
et des femmes attendent d'être évacués, visages couverts d'un liquide
rouge et de croûtes noires, épaisses et peu appétissantes. «Ce n'est
pas de l'exhibitionnisme, précise le préfet. L'objectif est de se
placer au plus près du réel, pour reproduire les tensions,
l'urgence.»
De hauts paravents sont installés tout autour de la zone : la police teste un système d'occultation des scènes de crime, pour empêcher les photos prises à la volée, avec les téléphones portables. A l'intérieur de cette zone, la police judiciaire s'affaire à côté des pompiers qui évacuent les blessés. «L'urgence absolue reste aux secours, mais il faut essayer de préserver au maximum les éléments de preuves, explique Xavier Richaud, procureur de la République, présent toute la soirée avec deux de ses vice-procureurs. On essaie de faire partager aux pompiers l'idée que tout déplacement de corps ou d'élément matériel doit être signalisé car c'est essentiel pour l'enquête.»
Les différents services (pompiers, police, gendarmes…) ont dépêché des
observateurs, qui scrutent les scènes, traquent les erreurs. L'un note
par exemple que les fiches remplies auprès des blessés sont trop
longues, trop complètes, face à un tel afflux de victimes. Dix-neuf
élèves et professeurs de l'école des Mines de Paris assistent à
l'exercice, comme observateurs. Ils rendront un rapport dans les
prochaines semaines. Un retour d'expérience est également prévu, mardi,
avec le parquet de Paris, qui a compétence nationale en matière de
terrorisme. Un exercice similaire aura lieu cet été dans la
capitale.
La troisième explosion de la soirée se produit à 21h30, sur la place
des
Terreaux
où un son et lumière est supposé avoir lieu. Cette
fois, il s'agit de tester la coordination des secours face à un grand
nombre de victimes, et dans un quartier pas facilement accessible. Une
très large zone a été fermée au public, et les kebabs font grise mine.
Les serveurs observent de centaines d'hommes qui s'affairent. Comme il
y a cette fois plus d'une centaine de victimes, dont vingt morts, des
pompiers des départements voisins interviennent. Il s'agit d'apprendre
à travailler ensemble, alors que tous n'utilisent pas la même fréquence
de radio.
Une femme circule entre les mannequins décédés, les pompiers, les blessés. Elle s'approche d'eux, les regarde travailler, puis s'éloigne pour saisir toute la scène de loin. Elle porte un curieux casque de chantier, avec une toute petite caméra frontale, et un sac à dos équipé d'un moyen de transmission HF, avec une longue antenne. L'objectif filme tout ce qu'elle regarde, et les images sont transmises instantanément vers la cellule opérationnelle départementale (Cod), installée dans les sous-sols de la préfecture, où les visages restent tendus. Il est plus de minuit et l'exercice touche à sa fin, mais tout le monde reste concentré. Le long d'une vaste table qui fait face aux écrans, les responsables de tous les services en actions. Un tableau récapitule le nombre de victimes et les forces engagées. A minuit trente, 521 pompiers et 200 policiers sont encore à pied d'œuvre et le bilan s'élève à 200 victimes, dont 40 morts.
Dans une salle voisine, le centre d'information du public réunit une
dizaine de personnes autour d'une table. Des comédiens jouent le rôle
des familles de victimes et appellent paniqués le numéro d'urgences.
Les salariées de la préfecture réquisitionnées ont la pression, malgré
la simulation. Une fiche leur donne la marche à suivre. Ordre de ne
jamais révéler ou confirmer le décès d'une personne. C'est au procureur
ou aux services de police de le faire.
La nuit est avancée et les gyrophares tournent toujours, dans toute la
ville. Le préfet, Jean-Pierre Lacroix, fait un debriefing plutôt
satisfait. La coordination s'est bien passée. Après trois mois de
préparation, la simulation n'a pas démontré de lourdes failles. «On
s'est mis dans des conditions extrêmes pour tester les capacités de nos
services, mais aussi montrer à la population qu'il y a des moyens et
que nous les entraînons», commente-t-il. Les policiers ont même réussi
à arrêter deux suspects, qui ont été conduit à la direction
interrégionale de la police judiciaire. Pas de visite organisée
jusque-là en revanche. On ne saura pas si la police antiterroriste a
déjà commencé les tortures.
Source: Libération